Oui ne veut pas toujours dire « oui »

Mario Sanchez

Il faut vraiment se battre sur les réseaux sociaux sur les stéréotypes qui sont véhiculés. Entre « non » ça veut dire « non » et « oui » ça veut dire « oui », même la communication gouvernementale s’embrouille les pédales.

Si sur le principe lorsque quelqu’un dit « non » cela voudrait dire « non je ne veux pas » il n’y a pas photo ça s’arrête là. On sait très bien que ce n’est souvent pas le cas puisque lorsqu’une personne dit non soit on la pousse pour savoir si non c’est vraiment non ou si ça pourrait être oui voire qu’en fait c’est oui. Les techniques commerciales sont les premières à tenter de manipuler ce que pense et ce que les disent les gens. T’es sûre que tu veux pas telle option, tel modèle, telle couleur.. ? Toutes les manipulations mentales sont mises en oeuvres pour vous amener à dire oui.

Alors se pose la question ton « oui » est il vraiment un « oui ». Consens tu vraiment quand tu dis « oui » ? Si tu as été manipulée psychologiquement par diverses techniques pour te faire acheter une option supplémentaire, tu as dis oui certes mais as tu VRAIMENT consenti ?

Bien sûr la question se pose dans les pratiques sexuelles. Par exemple, dans le BDSM, quand le ou la soumis.e dit « non », il va être tentant de le ou la pousser dans ses retranchements parce que c’est le but de la pratique. Ce n’est pas le « non » qui met fin à ce qui se passe mais un mot de passe décidé entre les partenaires qui, lorsqu’il est prononcé, indique clairement et sûrement que ça ne doit pas aller plus loin. Le non n’est pas, dans ce type de situation, une absence de consentement mais l’expression que la limite n’est pas loin. Que celui ou celle qui n’a jamais dit non pour emmerder l’autre jette la première pierre. Et c’est bien le problème.

Une personne dont j’ai oublié le nom expliquait que c’était seulement quand on parlait du corps qu’on hésitait sur la signification des oui et des non. Non, c’est vrai dans tous les domaines, mais il est vrai qu’on ne se questionne pas sur comment on est arrivé à obtenir ce oui ou ce non. Peut-on accuser un vendeur d’abus psychologique parce qu’il a réussi à vous soutirer un oui pour vous caser son dernier produit ? Oui sur le principe pourtant quasi personne ne le fait. Pourtant votre non n’a pas été considéré comme une négation de consentement.

Du coup, a contrario dire oui veut il dire qu’on est d’accord, qu’on consent, qu’on donne son aval ? Oui. Mais non. Encore une fois le oui peut vous être « extorquer » par de techniques de manipulations bien connues. Je vous suggère de lire ou relire le « Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens » Vous remarquez dans le titre, manipuler ici ce n’est pas abuser, c’est être honnête mais mettre pourtant en oeuvre des techniques pour obtenir l’accord d’une personne qui ne veut pas vous le donner. Or dans les abus psychologiques ou sexuels le but est d’obtenir de la victime un « oui ». Ou un silence, car dans notre Société « qui ne dit mot consent » paraît il. Donc le silence et oui c’est pareil. Enfin pas totalement d’ailleurs car quand on ne dit rien on consent alors que quand on dit oui… c’est pas si sûr. Puisqu’on peut vous manipuler pour dire oui, est-ce alors consentir ? On peut aussi vous menacer ou vous pouvez vous sentir menacé.e et dire oui. Est-ce consentir ? On peut aussi dire « oui » par peur (représailles, ça va durer longtemps, ça va faire mal…). Est-ce consentir ? On peut aussi dire « oui » pour être débarrassé.e (ça va durer moins longtemps, il ou elle va partir plus vite…). Est-ce consentir ? Oui. Mais NON. NON non et non. Accepter et céder ce N’EST PAS CONSENTIR.

Alors, allez vous demander (ou pas), mais comment sait on que quelqu’un veut ou ne veut pas ? Consent ou pas ? C’est une bonne question. A laquelle je n’ai pas vraiment de réponse.

Déjà il est clair que si on ne manipule pas les gens on a plus de chances d’obtenir une réponse claire.. pour eux au moins. Si on ne vous force pas la main, y a de forte chance pour que vous n’ayez pas à tricher. Le blem c’est que ça conviendra moins à l’autre en face. Mais ça, c’est SON problème.

Là il faudrait aborder un autre sujet qui est l’éducation et ses conditionnements. En apprenant aux enfants à ne pas contredire les adultes, à ne pas dire non, à ne pas avoir le droit d’exprimer ce qu’ils ressentent, on les conditionne à ne pas pouvoir dire non et à devenir de potentielles victimes.

Il faut aussi apprendre aux enfants que si ils ont des doute sur l’absence de consentement ou le consentement ils peuvent demander la confirmation.

Sans doute, justement, faut il faire évoluer la façon d’exprimer son accord et son désaccord ? Si non et oui ne suffisent pas à exprimer faut il dire « non c’est non » ou « oui je t’assure ». Mais ça veut dire qu’on n’a pas été conditionné.e à se soumettre (voir plus haut) et qu’on fait peser ce qui lui arrive sur la victime.

Notre gouvernement s’est donc lancé dans une communication sur les RS avec un affichage sur le « oui » pour consentir. Ils ne peuvent pas faire autrement car en questionnaire le fait que dire « oui » pourrait dire « non », il faudrait aussi questionner le « non » qui pourrait donc parfois dire « oui » ? Comment on sort de là ? Car le non qui voudrait peut être dire oui -sous entendu consentir- est l’argument qui revient chez les violeurs et les pédophiles… Mais l’instrumentalisation du oui qui voudrait absolument et sans aucun doute exprimer un consentement est aussi un argument pour les agresseurs sexuels… Dire « oui » ou « non » sous entendrait « peut être… et il suffit de me faire changer d’avis (argumentaire, pression…) ».

Alors ? Alors le problème dans les abus ce n’est pas le oui ou le non vous le comprendez bien. C’est ce qui est sous tendu derrière. Le but n’est pas de vous faire dire oui, mais le but est de vous faire croire que c’est bon pour vous et qu’on vous veut du bien. Ou que vous allez y prendre plaisir.

Et c’est là que va se situer la différence dans l’expression du oui ou du non. C’est de leur rendre leur expression réelle. « Non » = absence de consentement, « oui » = consentement. C’est d’ailleurs comme cela que le pense la Justice parce que c’est comme cela que le pense la langue française et le droit. Mais c’est trop binaire. Entre non et oui il y a continuum de « peut être », « certainement », « sans doute pas », « absolument », « plutôt », « encore que »… et j’en passe qui montrent bien que les notions de oui et non peuvent se colorer l’une et l’autre, se moduler. Et être questionnées. Et en français on peut poser les questions de façon à ne pas savoir à quoi on répond oui. Exemple « Ca te dirait de ne pas y aller ? » réponse « moui »… Et souvent on ajoute ‘ »tu veux y aller ou pas je n’ai pas compris » ou « tu réponds oui à quoi ? Au fait que ça te dirait ou au fait de ne pas y aller ? ». Qu’est ce qu’on se complique la communication… Et je vous parle pas des langues étrangères ou « non » dit oui face à une négation (les japonisant comprendront).

Les agresseurs posent le fonctionnement de façon binaire. Oui ou non, point barre. Ce qui est une façon de forcer la main, de pousser dans un sens ou dans l’autre, de retourner la situation contre la victime pour la faire culpabiliser et d’instrumentaliser ce qui est dit face à la Justice.

Oh je ne suis pas dupe. On ne résoudra pas le pression, la menace, la peur… et contre ça il n’y a pas grand chose à faire (si ce n’est l’éducation, la prévention depuis 40 ans n’a eu AUCUN effet). Le risque zéro n’existera jamais et la peur guide vers ce qui semble permettre de survivre à savoir accepter ou céder. Ce qui n’est pas consentir.

Comment faire pour ne pas remettre en question la parole des victimes car si elles disent non cela doit être entendu comme tel, mais si elles disent oui il faut peut être (souvent ?) remettre en cause leur consentement et donc remettre en cause le comportements de l’Autre… qui n’a guère d’intérêt à ce que le oui soit questionné.

Le problème c’est la violence. On ne se questionnerait pas de ce que ressent la victime si quelqu’un ne cherchait pas en à abuser. Or le constat global dans nos Sociétés c’est qu’on ne cesse de chercher à nous abuser, même au quotidien par les infos qu’on nous diffuse par exemple. Alors dans une telle Société qui se pose en modèle aux individus (qui viennent nourrir la Société) que veulent dire « oui » et « non » ?

Personnellement je persiste et je signe. Oui ça ne veut pas toujours dire oui. Dire oui n’est pas toujours consentir. Et ça va falloir le faire entendre très fort.

10 réflexions sur “Oui ne veut pas toujours dire « oui »

  1. Je viens d’acheter Philosophie Magazine et j y trouve un article « oui ne signifie aps toujours oui ». L avocate américaine Catherine Mc Kinnon y explique que le « oui » perçu comme un consentement absolu par la legislation française va faciliter la vie des agresseurs…

    Et par ailleurs cet article et un commentaire sur ce sujet m ont valu de faire bannir d Instagram afin de « protéger la communauté »…

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      1. Ca y est je peux à nouveau commenter et publier des posts (je ne pouvais publier que des stories). J ai été « punie » pour dixit « protéger la communeauté » !!

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  2. 3 petites réflexions que m’inspire cet article :

    – lorsqu’on apprend le consentement aux enfants (et je ne parle pas de sexualité mais simplement du droit d’exprimer ses émotions sur un sujet de relations interpersonnelles physiques), on est abasourdi sur le fait qu’iels aient si jeunes déjà intégré la domination des personnes dites supérieures à iels. Une fois, j’ai demandé à un élève qui avait eu un acte violent envers un camarade comment il réagirait si c’était moi qui l’avait giflé. Il m’a répondu : ben je ne dirai rien parce que vous êtes là maîtresse 😱 alors que je leur répète au moins tous les jours que personne n’a le droit de toucher leur corps (c’est à dire leur bras, leur cheveux, etc … rien de sexuel donc avec de petits enfants) s’iels ne sont pas d’accord.

    – on parlait de manipulation avec mon psy et il m’a fait remarquer que la manipulation était dans la nature humaine. On manipule tous les autres quand on dit par exemple stp, stp avec une moue amusante faussement inspirant la pitié. Mais comme tu le dis, Vergi, l’important, c’est ce qu’il y a derrière : manipuler pour manger la dernière part de gâteau, c’est autre chose que de manipuler pour commettre un viol …

    – et dernière réflexion : on peut concevoir facilement que lorsque quelqu’un dit oui, ça peut ne pas correspondre à du consentement. On reste quand même avec la honte de se dire j’ai dit oui et j’ai été jusqu’au bout sans jamais dire non, plusieurs fois. Alors est-ce que c’est vraiment du viol quand l’autre pense que vous êtes consentante ?

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    1. Tout depend de quel point de vue on se place. Pour la personne violée il y a viol (même si du coup elle doute) pour le violeur… il sait qu il y a viol. Je n ai AUCUN doute sur le sujet mais il utilise l acceptation de la victime 1. pour minimiser ses actes et 2. pour faire porter la faute à la victime. Et qd tu as besoin de faire supporter tes actes apr qq 1 d autre c est que tu sais que ca pourrait te retomber dessus. L agresseur sait TOUJOURS ce qu il fait.

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      1. Peut-être … mais si la personne agressée ne pense même pas à se plaindre, non par peur des représailles ou autre mais simplement parce que ce qui s’est passé ne lui semble pas si grave, est naturel ou habituel, et encore moins délictueux ou criminel (jusqu’à ce qu’on le lui dise, jusqu’à ce qu’elle le lise), peut-être que l’agresseur ne pense pas non plus que c’est si grave temps qu’on ne le confronte pas.

        Par exemple, tu voles un paquet de biscuits dans une grande surface. Tu te dis que ce n’est pas bien grave pour plein de raisons. Mais si les vigiles de surprennent et t’emmène, là tu te rends compte que c’est grave parce que les conséquences te font peur. Mais à aucun moment, tu te dis que tu as lésé quelqu’un. Tout tourne toujours autour de toi. Et tu te dis même qu’on en fait beaucoup pour pas grand chose.

        Le vrai problème, c’est la prise de conscience que le viol, c’est grave. Et même si le violeur sait qu’il a fait quelque chose de pas bien cool, bof, c’est quand même pas si terrible non …

        Autre exemple plus dans le sujet : comme on est une famille où la notion d’inceste n’est pas du tout intégrée, mon neveu a violé ma nièce, sa cousine (il était jeune ado, elle était enfant. Elle n’a pas vraiment compris ce qu’il se passait et a accepté le jeu mais c’est un viol quand même je pense). Devenue adolescente, elle avait des difficultés psychologiques qui l’on conduit à voir une psychologue à laquelle elle a raconté ce qui s’était passé. La psy lui a recommandé d’en parler à sa mère. Ma soeur a pété un câble et a brisé la quiétude familiale … un temps. Mon père (qui, comme ma mère d’ailleurs, pense que les envies sexuelles irrépressibles sont le propre d’un vrai mâle) m’a dit que tout cela, c’était de ma faute parce que j’avais mis dans la tête de ma nièce des idées pernicieuses comme le consentement, le droit à disposer de son corps, bref , une véritable éducation sexuelle. Ce qui l’embête, c’est que ça fait des vagues, pas qu’il y ait eu une agression.

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        1. Mouais comparer le vol d un paqiet de chips à un magasin (tu ne vois personne) et un viol où tu es face à une personne et tu vois à qui tu fais du mal…. aujourd hui je ne crois absolument pas que la personne qui fait du mal (psychologique / physique / sexuel) ne sait pas qu elle fait mal à l autre. Sauf qu elle s en fout plus ou moins, elle peut même y prendre du plaisir. Le but est de marquer leurs victimes physiquement (mais ca disparait) et surtout psychologiquement (ca disparait pas ca s atténue).

          Ds les familles dysfonctionnelles la victime emmerde car elle montre qu il y a dysfonction, mais pas a la famille qui le sait mais a l exterieur. C est une question d image sociale.

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        2. Le but est de marquer leur victime … cette phrase sonne comme une révélationn qui éclaire plein de chose et qui est tellement cohérente avec … tout …

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    2. Pour revenr sur lz fait que les enfants ont integre la domination / soumission, je dirais plutôt qu il y a transfert. Tout adulte est un substitut parental. L enfant, dependant et disposant de peu de savoir, voit l adulte comme un dieu omnopotent. Si l adulte dit ou fait c est que c est vrai ou bien (ou au moins « normé »).

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  3. Intéressant de voir la relation adulte-enfant comme un transfert. Je creuse une piste de réflexion qui expliquerait (en partie ?) les difficultés relationnelles enseignant-eleve par une histoire de transfert…

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